Les contrats de performance énergétique à tiers financement - Synthèse raisonnée de la rencontre organisée par l'IGD le 11 octobre 2023 (Première partie)
Il importe de rappeler le contexte dans lequel la catégorie des contrats de performance énergétique à tiers financement a été créée.
La France s’est fixée comme objectif la neutralité carbone en 2050 (article L. 100-4 du code de l’énergie). Elle a ainsi défini une trajectoire de réductions des émissions de gaz à effet de serre jusqu’à 2050. Cette trajectoire est jalonnée d’objectifs intermédiaires tels que ceux résultant du package « Fit for 55 » élaboré par la Commission européenne et prévoyant la réduction des émissions de gaz à effet de serre de 55% au moins en 2030 par rapport à 1990.
Cet effort de planification écologique impose - en matière bâtimentaire - d’aller très vite dans la rénovation des bâtiments.
Le dispositif de la loi « tiers financement » instaurant les contrats de performance énergétique à tiers financement (loi n° 2023-222 du 30 mars 2023 et son décret d’application n° 2023-913 du 3 octobre 2023) s’inscrit dans cet effort de planification et répond aux exigences d’urgence et de performance qui en découlent. Ce dispositif doit être lu en complément de la directive européenne de performance énergétique des bâtiments (directive 2010/31, en révision) et du décret dit « tertiaire » (décret n° 2019-771 du 23 juillet 2019). En la matière, la règlementation européenne aussi bien que nationale est de plus en plus exigeante.
En France, les personnes publiques détiennent 400 millions de mètres carrés répartis comme suit : 75% pour les collectivités territoriales, 25% pour l’Etat. L’effort de rénovation de ce parc immobilier représente des centaines de milliard d’euros.
Dans ce contexte, la loi ‘tiers financement’ a instauré une expérimentation pour cinq ans permettant à l’Etat et ses établissements publics, ainsi que les collectivités territoriales, leurs établissements publics et leurs groupements de conclure des contrats de performance énergétique dérogeant à certaines dispositions du code de la commande publique, pour la rénovation énergétique d’un ou de plusieurs de leurs bâtiments (article 1).
Particularité des contrats de performance énergétique
Les contrats de performance énergétique sont avant tout des contrats comportant une obligation de résultats. La question du financement est envisagée par le recours possible au tiers financement (préfinancement privé). Il existe trois types de contrats de performance énergétique :
· Les contrats de services ;
· Les contrats de travaux sur les équipements (environ la moitié des contrats) ;
· Les contrats globaux comportant des travaux de rénovation du bâti et des équipements (environ un tiers des contrats). Ces contrats globaux génèrent en moyenne 40% d’économies d’énergie.
Dans le cadre des contrats de performance énergétique, l’entrepreneur voit sa responsabilité engagée sur la performance. Ce type de marché global peut s’adresser à tous les types d’entreprises, même de taille intermédiaire. La difficulté pour ces contrats sera de définir le type d’opérations qui entrent dans leur champ d’application. En effet, la loi ‘tiers financement’ parle de « rénovation énergétique ». Toutefois, une opération de rénovation n’a rarement qu’un objet énergétique : presque systématiquement ces opérations sont globales et incluent, par exemple, une mise aux normes PMR, l’installation de nouvelles sources d’énergie, etc. Il est ainsi quasiment impossible de distinguer ce qui relève de la rénovation énergétique du reste des opérations de rénovation. Ce point nécessitera d’être sécurisé à l’avenir.
Les contrats de performance énergétique s’appliquent aujourd’hui uniquement à des opérations bâtimentaires et ne sauraient concerner des opérations liées, par exemple, à l’éclairage publique.
L’un des premiers objectifs des contrats de performance énergétique est pédagogique : ils visent à faire prendre conscience au secteur privé de la mesure de l’effort à fournir et des responsabilités à assumer pour atteindre les objectifs que s’est fixée la France. L’autre objectif des contrats de performance énergétique est la simplification. Cette simplification ressort en creux du décret d’application de la loi ‘tiers financement’. En effet, s’il n’a pas été possible d’écarter complètement l’étape de l’évaluation préalable (obligatoire s’agissant de contrats dérogeant aux règles de la commande publique), son formalisme a été atténué. Par ailleurs, les délais de traitement ont été simplifiés, aucun minimum n’est requis afin d’attirer les petites entreprises et les organismes centraux peuvent signer ce type de contrat sans passer par le ministre de tutelle.
La distinction entre les contrats de performance énergétique et les marchés de partenariat n’est pas évidente de prime abord. Les contrats de performance énergétique sont néanmoins censés incarner le passage d’une logique quantitative (qui est la logique des marchés de partenariat axés sur les coûts financiers) à une logique qualitative portant sur la réalisation d’objectifs de performance énergétique (leur non-atteinte étant sanctionnée). L’avis favorable sur le recours à de tels contrats sera ainsi essentiellement conditionné par les objectifs de performance énergétique.
Cette simplification reste néanmoins sujette aux conditions dans lesquelles l’évaluation préalable se déroulera concrètement : si les démarches imposées en amont ne peuvent pas aller plus vite, alors les contrats de performance énergétique seront assimilables à de simples marchés de partenariat sans maîtrise d’ouvrage, donc inutiles.
Atouts des contrats de performance énergétique
Le recours au tiers financement permet aux petites collectivités locales de réaliser l’investissement envisagé. En ne sollicitant pas d’emblée, dès la phase construction, des financement budgétaires et en étalant le financement sur la durée du contrat, le recours aux contrats de performance énergétique à tiers financement permet de faire plus de travaux et de faire plus vite qu’en recourant à du crédit budgétaire. En effet, la nécessité de recourir au budget investissement est souvent un frein pour les petites collectivités, or les contrats de performance énergétique relèvent de la section fonctionnement. Ainsi, le tiers financement permet de réaliser plus d’investissements pour un même niveau de dépenses budgétaires annuelles. Qui plus est, si les dates de perception des recettes sont alignées avec les dates de perception des redevances, on aligne ainsi les non-dépenses d’un côté avec les dépenses de l’autre.
Un autre atout est que les contrats de performance énergétique permettent aux personnes publiques de traiter, avec un seul contrat, un patrimoine hétérogène. Elles peuvent en effet composer un lot à partir de plusieurs bâtiments et demander aux entreprises de présenter un programme de rénovation avec un phasage et un pilotage adaptés aux besoins de ce lot. De la même manière, les personnes publiques ont la possibilité de se regrouper entre elles (mutualisation) pour faire un lot commun avec plusieurs bâtiments. La possibilité de constituer un portefeuille de projets permet de minimiser les coûts de financement et structuration des opérations de rénovation énergétique (à cet égard, la hausse du prix de l’énergie joue en faveur du financement de telles opérations dont la rentabilité paraît plus évidente). Le décret d’application permet de tenir compte de la mutualisation en prévoyant la possibilité de réaliser une évaluation préalable pour le compte de toutes les personnes publiques concernées par le projet.
Un autre atout des contrats de performance énergétique réside dans les leviers incitatifs qu’ils fournissent à la personne publique. Ainsi, le principe premier du recours au tiers financement est le paiement à la livraison. Ce principe peut être modulé par des avances et des subventions, mais il n’en reste pas moins que le paiement a en principe lieu à compter de la livraison. Le partenaire privé est ainsi incité à réaliser les travaux dans les délais impartis. Par ailleurs, l’assiette des pénalités sur lesquelles peut agir la personne publique si les performances ne sont pas atteintes est maximisée. Ainsi, contrairement aux marchés globaux de performance ‘classique’, le tiers financeur, l’actionnaire, voire le prêteur, peuvent être incités à aligner leurs intérêts avec la personne publique pour que les objectifs de performance soient atteints, voire dépassés (par le mécanisme de partage des gains réalisés en cas de surperformance).